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Le designer Louis Barthélemy, passeur d’ailleurs

Avec ses pelouses en terrasses, le jardin de Babour, construit en 1528 dans le sud-est de Kaboul, est l’une des plus anciennes créations mogholes. Epargné ces dernières décennies par la guerre, il servit de refuge aux habitants traumatisés par les combats. Jusqu’à ce que les talibans décident d’en interdire l’accès aux femmes, il y a deux ans. Ce lieu et son histoire ont retenu l’attention de Louis Barthélemy.
« Lorsque Ishkar, une entreprise qui propose des objets et bijoux fabriqués par des artisans de pays en guerre, m’a contacté pour réaliser une collection de tapis afghans, j’ai eu envie de m’inspirer de Babour et des jardins de paradis, explique l’artiste. J’ai invité des femmes tisserandes à dessiner au feutre des oiseaux, canards, grenades, étoiles et cœurs, tandis que, de mon côté, j’ai crayonné des arbres stylisés et des mausolées. Puis j’ai combiné les deux séries pour composer trois tapis monochromes [un orangé, un rose et un rouge]. »
Voilà dix ans que le trentenaire s’est installé entre le Maroc et l’Egypte, d’où il parcourt la planète, avec un tropisme pour les mondes arabe et perse. Sur place, il mène des recherches anthropologiques et iconographiques qui inspirent ensuite ses œuvres, souvent tissées. « J’aime célébrer ce qui est commun aux humains puisque toutes les civilisations se sont nourries les unes des autres. »
Ce Parisien d’origine qui a sillonné l’Afrique durant son enfance a très tôt ressenti ce goût pour le voyage. « Je garde un souvenir ébloui d’un séjour dans les gorges du Dadès et dans la “vallée des roses”, au Maroc, alors que je devais avoir une dizaine d’années. » Après des études à Londres – « une mosaïque de cultures bien plus riche que tout autre capitale européenne » –, dans la prestigieuse école de mode Central Saint Martins, Louis Barthélemy fait ses classes à Paris, au sein des maisons Dior et Galliano. Il s’initie au textile. « Un matériau dont [il] aime la diversité des possibilités : imprimés, tissage, broderie, ornementation, jacquard… »
Mais le jeune homme se sent vite à l’étroit dans cet univers et décide à 24 ans de s’envoler pour le Maroc. « J’ai fait le choix de m’affranchir des plans de carrière. J’aime flotter dans une société que je ne capte que partiellement. Etre l’autre dans un ailleurs permet de déconstruire sa pensée. » Il se spécialise dans la tapisserie murale et collabore avec des artisans, des galeries, des maisons indépendantes ou des marques.
Il s’est ainsi plongé dans les archives du département de l’Egypte ancienne du Louvre afin de dessiner un motif de papier peint pour l’éditeur Pierre Frey ou une tapisserie inspirée des temples de Louxor pour une des boutiques de chaussures Louboutin. Fin mai, il exposera à la galerie Musk and Amber, à Tunis, des œuvres en raphia, agave et métal réalisées par des brodeuses tunisiennes, avant de livrer une œuvre pour l’hôtel Le Sirenuse, à Positano, sur la côte amalfitaine. Puis il s’envolera pour l’Ouzbékistan afin de chercher l’inspiration au contact des suzanis et ikats chatoyants et graphiques.
louisbarthelemy.com ; ishkar.com
Marie Godfrain
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